POUR ÊTRE PERFORMANT, IL FAUT PRENDRE SON PROJET EN MAIN

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Cette question, de prendre son projet en main pour s’y engager totalement, est au cœur de la formation dans le sport de haut niveau. Comment accompagner les joueurs pour qu’ils soient autonomes, responsables, et qu’ils s’accaparent leur projet ? Comment faire pour qu’ils jouent pour eux, et non pour leurs parents, pour l’entraîneur ou je ne sais quel autre conseiller ?

Les méthodes pour répondre à ces questions sont multiples, et je les aborderai probablement dans un prochain article. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est qu’est-ce qui peut faire qu’un jeune sportif ne puisse pas s’accaparer son projet ? Comment faire pour détruire sa créativité, son expression, ses ambitions… ?

J’ai lu un article sidérant hier, dans l’Equipe. La joueuse de tennis, Timea Bacsinszky, qui voulait arrêter le tennis en 2013, a renoué avec la compétition. Elle évoque son enfance « volée » et sa souffrance de jouer au tennis, alors qu’elle était performante. Mais qui a pu s’organiser pour saper les performances et le bien être de cette jeune fille ? Son père.

Extraits : « Avec l’athlète que j’étais avant, enfin, athlète entre guillemets, parce que j’avais vraiment un sous physique, je ne sais même pas comment j’ai fait pour monter 37e (en 2010). J’étais ultra maligne, je lisais bien le jeu de l’autre mais je n’avais jamais pris mon projet en main. Ce n’était que la continuité du monde dans lequel on m’avait mise. C’est une chose de vouloir la célébrité, l’argent, tout ce qui brille, mais je n’étais pas une personne heureuse. Je me cachais la réalité…

…Je n’arrivais pas à me donner à fond parce que j’ai un père, enfin un géniteur, qui m’a mise dans une cage. Une prison…

… Je me souviens qu’il y avait des hot lines pour les enfants pas très bien traités et que ça me démangeait d’appeler… Je pensais à fuguer. J’avais regardé sur internet comment réussir une fugue. J’ai souffert de ce syndrome des « pushy parents », assez répandu dans le tennis…

… Mon père ne s’occupait jamais de moi, sauf sur le terrain de tennis. S’occuper de son enfant, c’est pas lui lancer une balle. Je n’ai pas eu de père. Je ne le vois plus, je ne lui parle plus et ce sera comme ça jusqu’à la fin. J’ai eu une enfance volée. Une adolescence volée aussi. Il ne fallait jamais sortir Timea du tennis. Moi, je n’avais qu’une envie : me barrer. Le pire, c’est que j’aurais certainement mieux joué s’il m’avait laissé respirer…

…Je suis persuadée que quand j’étais toute petite, j’aimais le tennis. Mais il me l’a fait détester. Il avait cette envie maladive de briller. D’être reconnu, qu’on dise que c’est le meilleur coach. Pour avoir ça, ça ne lui posait aucun problème de me gueuler dessus… Quand j’ai eu mon premier sponsor, il a arrêté de bosser pour devenir mon coach. Ç’a été le pire moment de ma vie.

Il s’est pris un joli petit salaire avec le sponsor de sa fille. Il m’achetait un ou deux jeans parce qu’il faut bien donner une carotte à l’âne… etc. etc. »

Epoustouflant ! La première des choses pour ne pas tuer la carrière et peut être la vie des personnes que nous accompagnons, c’est de ne pas vivre à travers leurs résultats. Ce sont les leurs, pas les nôtres, modestes accompagnants.

Pour ceux qui n’ont pas réussi à devenir sportif de haut niveau, c’est leur problème. Ils ne le deviendront pas plus, à travers quelqu’un d’autre. Que chacun commence par s’occuper de sa vie, et tout ira mieux pour l’expression, la créativité… et donc pour la performance des athlètes.

Bon WE

GS

Photo : http://www.rds.ca/1.2159572