BENOIT NICOLAS: CHAMPION DU MONDE!

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J’ai rencontré Benoit il y a une quinzaine de jours. Benoit est devenu champion du monde de Duathlon, cette année (10 kms à pied, puis 40 à vélo et ils finissent par 5 kms à pied). Forcément, ce type de personnage m’intéresse. Mais comment a-t-il fait pour devenir champion du monde ? Qu’est-ce que c’est le mental pour lui ? Comment a-t-il fait pour rester motivé et persévérer ? Etc.

J’ai passé un très bon moment, car au-delà du contenu qui rejoint mes conceptions de la performance, j’ai rencontré un vrai passionné de sport.

Gilles Séro : Qu’est-ce qui t’as permis de devenir champion du monde ?

Benoit Nicolas : « Je dirais que l’expérience emmagasinée au fils des années fût essentielle. Je voulais cette année augmenter mon potentiel à vélo, j’ai roulé 2 fois plus de kms sur l’année tout en gardant mon niveau a pied, j’étais capable de bloquer des scénarii sur la partie vélo, d’être plus acteur dans cette partie, j’ai mis du jeu dans ma préparation, des challenges internes. Ensuite, je dirais que je n’ai jamais perdu de vue que si tu veux gagner une course, il faut provoquer la chance. Pour cela tu te dois d’être rigoureux et le plus ambitieux; je me disais, si un gars est moins bien ce jour-là, mais si moi je suis au top, je prends sa place, l’écart se réduit.

Quand on aborde les éléments qui m’ont permis de devenir champion du monde, il y a aussi le fait de vouloir finir la course en pouvant exprimer mon point fort. Je suis un finisseur, je viens du 1500m où j’ai réalisé 3’38’’84. Sur le circuit, tout le monde le sait, si je peux faire le moins d’efforts possible et profiter du travail des adversaires qui font le rythme à pied en me cachant derrière, je le fais. De l’arrière au contact, j’ai toujours un point de repère, je peux gérer l’écart en amortissant les à coups, à vélo c’est pareil, tant que j’ai cette capacité de finir vite, je ne tente pas de choses suicidaires qui pourraient anéantir cette possibilité de rester au contact dans le final à pied (faire 3kms seul dans le vent et ne pas aller au bout= perte). Ceci dit mon point faible n’est pas faible, il est moins fort, si j’avais la capacité de pouvoir être explosif à vélo, je tenterais un coup là dessus, pour le moment ce n’est pas le cas, mais je travaille pour pouvoir surprendre la où personne ne me voit ».

GS : C’est quoi pour toi le mental, et quelle part a-t-il prit dans ton exploit?

BN : « le mental, c’est la concentration, la motivation, la volonté,  c’est bloquer les pensées négatives qui peuvent te submerger à un moment donné quand les choses ne se déroulent pas comme prévu, c’est garder le cap, se concentrer sur son potentiel et faire en sorte qu’il resurgisse complètement. Je te dirais même que la 1ère limite est mentale plus que physique, on évolue souvent sur des sensations physiques, la perception de l’effort est fausse,  le physique peut encore répondre même quand tu crois être cuit, c’est ça le mental. Dépasser tout cela. On peut rajouter qu’il faut du mental aussi, dans la mesure où quand la course ralentit, je garde mon calme, je ne change pas ma tactique. Je ne m’expose pas plus ».

GS : As-tu d’autres défis à relever, et si oui, qu’est-ce qui te fait encore courir ?

BN : « Oui encore plein de défis, je continue à m’amuser, je me dis que j’ai 37 ans et que si le vieux peut battre les jeunes, ça peut commencer à devenir un nouveau challenge. Mon plus gros objectif sera les mondiaux de Duathlon en octobre 2015, en Australie. Je veux aussi remporter mes régionaux de cross en janvier, en Bretagne cela a de la valeur, je veux avoir ce 8ème titre. Ce qui me fait courir c’est la multiplicité des challenges et des expériences que je peux vivre. A vélo par exemple, je veux descendre sous un temps dans une bosse ou je fais mes tests, j’ai déjà hâte de pouvoir y retourner, ça reste de l’entrainement mais ça me fait vibrer, je veux découvrir de nouvelles sensations de puissance et de fluidité. Enfin, j’aimerai pouvoir surprendre là où personne ne m’attend ».

 

Mise en perspective avec mes convictions :

De ces propos fort intéressants, je retiens quatre idées majeures :

  • Il exprime très bien ce qu’est pour moi le mental. La gestion de l’incertitude. Grâce à ses expériences passées, il capitalise. Il se construit des certitudes sur lui, ses stratégies, ses entraînements… Ce qu’il nomme « l’expérience », n’est ni plus ni moins, une construction de conviction et de certitude.
  • Il est exigeant au quotidien. Il a un programme et sait que pour obtenir des résultats, il faut être très rigoureux au quotidien pour le respecter. Il s’entraîne seul, parfois sous la pluie et dans le froid, avec des périodes de fatigue… Le haut niveau, c’est entre autre, la capacité à maintenir cette régularité dans cette exigence.
  • Il joue sur ses points forts. Il a des axes d’amélioration, mais il construit ses victoires sur son point fort de finition. Il sait qu’il est très fort vers la fin et il s’organise pour être bien placé à la fin. Il me disait que lors de ce championnat du monde, il s’est retrouvé dans le finish avec un concurrent qui a vite lâché prise, car il savait que ce serait trop compliqué pour lui.
  • Il s’amuse. Au-delà, des victoires qu’il souhaite, il prend du plaisir au quotidien. Il veut voir jusqu’où il peut aller, il veut se mesurer aux jeunes, il veut découvrir de nouvelles sensations de puissance et de fluidité. Il est d’abord dans la performance. Il sait que le résultat ne sera qu’une conséquence.

Benoit est pour moi, ce que j’appel un « vrai » sportif de haut niveau. Intrinsèquement, il a des caractéristiques physiques hors-normes, et mentalement, il construit ses résultats. Il a des convictions et certitudes, accumulées avec ses expériences passées. C’est un sport individuel, donc il ne peut compter que sur lui. Il s’entraîne et prépare beaucoup. Bref, un vrai athlète. Je le félicite pour son titre de champion du monde et lui souhaite de continuer à s’éclater et à gagner.

C’est un sport peu médiatisé, mais le grand public gagnerait à mieux connaître ce genre d’athlète.

Je remercie Benoit pour sa disponibilité et l’intérêt qu’il a porté à cet exercice.

Je vous souhaite de bonnes fêtes, et vous retrouve le 5 janvier.

GS

Photo: http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Beno%C3%AEt_Nicolas1.jpg?uselang=fr